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(Courte) histoire du graphisme

dimanche 5 janvier 2014, par pierre royneau

1. Les débuts du graphisme en Europe (1860-1910)

Les Arts and Crafts

L’Angleterre, premier pays confronté à la révolution industrielle, va s’intéresser très tôt à l’esthétique des livres avec le mouvement Arts and Crafts fondé en 1861 par William Morris (1834-1896) qui va mettre en application les idées de John Ruskin, critique et sociologue opposé au matérialisme de l’époque victorienne. Tous deux souhaitent exalter le renouveau des métiers d’art, refusent la distinction artiste-artisan. Se référant à la conception artistique du Moyen-âge, Morris va condamner la fabrication mécanisée, la production de masse et toute industrialisation et s’intéresser à toutes les formes des arts décoratifs (notamment le textile).

En 1891, William Morris fonde la Kelmscoot Press, maison d’édition, imprimerie et fonderie typographique. Trouvant que l’essor de l’imprimerie favorise les impressions de mauvaise qualité, il va appliquer dans cette fonderie ses principes dans le domaine des arts graphiques. Avec des moyens souvent limités, il met en avant un travail soucieux de qualité et d’originalité, où est valorisé le travail manuel, les matériaux précieux, la création typographique. Morris va éditer plus d’une cinquantaine de titres dans divers formats, où sont privilégiés l’ornementation et la bordure issus de gravures sur bois, ainsi que des caractères spécialement dessinées d’après des lettres imprimées du Moyen-âge et de la Renaissance. Il va ainsi créer, entre autres, le Golden Type, tentant ainsi de ressusciter les caractères de Jenson, imprimeur et graveur humaniste français du XVe siècle, et le Troy Type, gothique arrondie assez massive.

Le travail de William Morris va susciter de nombreux émules, notamment avec Walter Crane qui sera également un acteur majeur des Arts and Crafts. Pratiquant la peinture, la céramique, le papier peint, la tapisserie, il est surtout connu pour son travail d’illustration pour enfants. Gravant sur bois et imprimant ses dessins avec un réel soin de composition, il adopte un style simple déterminé par des contraintes matérielles. Ses illustrations s’expriment en un dessin lourdement cerné et des couleurs imprimées en aplats, manifestant ainsi le souci de l’auteur d’une vision moderne et synthétique du réel.

Arthur Mackmurdo suivra également les préceptes de William Morris. Avec sa Century Guild, groupe d’artisanat d’art, et, deux ans plus tard, la revue The Hobby Horse, il exercera une forte influence sur l’Art nouveau européen, spécialement belge, par la simplicité des formes et ses lignes épurées adoucies par le recours à des motifs végétaux ou organiques.

Très apprécié en Europe, le travail de William Morris sera déclencheur de tous les mouvements des arts décoratifs modernes, et son usage d’éléments végétaux influencera largement l’Art nouveau et le Jugenstijl.

W. Morris - Conception de tulipe et de saule - 1873 {JPEG}W. Morris - Strawberry Thief - 1883 {JPEG}Kelmscott {JPEG}Kelmscott Press - The Nature of Gothic by John Ruskin (first page) {JPEG}The Wood Beyond the World - W. Morris - Kelmscott Press - 1894 {JPEG}W. Morris - Illustration pour The Tale Frankeleyns à partir des travaux de Geoffrey Chaucer - 1896 {JPEG}GoldenType - W. Morris - 1890 {JPEG}GoldenType - W. Morris - 1890 {JPEG}Exemple de Golden Type - W. Morris - 1890 {JPEG}Troy type - W. Morris - 1891 {JPEG}Troy type - W. Morris - 1891 {JPEG}Walter Crane - Illustration pour le Conte du genévrier de Grimm - xylographie - 1882 {JPEG}Walter Crane - Little Red Riding Hood - 1875 {JPEG}Walter Crane - Illustration pour La Tempête de Shakespeare - 1894 {JPEG}Walter Crane - Beauty and the Beast - 1874 {JPEG}Walter Crane - Cover of Baby's Own Alphabet - 1875 {JPEG}Walter Crane - Interior page of Baby's Own Alphabet - 1875 {JPEG}Arthur Mackmurdo - Chaise en acajou et cuir - v. 1882 {JPEG}Arthur Mackmurdo - textile - v. 1899 {JPEG}Arthur H. Mackmurdo - 1ere de couv de Wrens City Churches - gravure sur bois - 1882 {JPEG}A. Mackmurdo - Esquisse pour un Ex-Libris - 1897 {JPEG}Arthur Mackmurdo - he Century Guild Hobby Horse - 1884 {JPEG}A. Mackmurdo - Illustration imprimée pour The Hobby Horse {JPEG}A. Mackmurdo - Illustration imprimée pour The Hobby Horse {JPEG}

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L’Art nouveau

La France

C’est avec la révolution industrielle qu’on voit naître le design graphique. En un demi-siècle, l’Europe vit une véritable explosion de la production industrielle. Le nombre et la quantité de produits manufacturés augmentent de façon considérable.

Cette période de paix et de prospérité connue sous le nom de Belle Époque, voit se développer une nouvelle classe sociale, aux revenus confortables et disposant de temps libre pour les loisirs. Âge d’or de l’illustration et du graphisme, cette époque voit se multiplier les affiches de grand format annonçant dans l’espace public les divertissements théâtraux et les spectacles. La lithographie, inventée en 1796 par Senefelder et perfectionnée par Eugelmann, va faciliter la production de ces grandes images sérielles qui, s’adressant au particulier, cherchent à faire de lui un consommateur.

C’est Jules Chéret (1836-1932) le premier qui va donner ses lettres de noblesse à l’affiche et à l’art publicitaire. Fils d’un ouvrier typographe, il devient apprenti lithographe tout en prenant des cours de dessin et en se rendant régulièrement au Louvre. Durant les années 1860, il va faire évoluer le métier d’affichiste en répondant aux besoins des clients et aux exigences commerciales. Il quitte en effet la France pour l’Angleterre en 1856, pour apprendre de nouveaux procédés sur les techniques de la lithographie en couleurs. De retour à Paris en 1866, il créé son imprimerie pour réaliser des affiches illustrées en couleurs où il va perfectionner les applications de la chromolithographie (procédé lithographique permettant d’obtenir des tirages en plusieurs couleurs par impressions successives). Autour des années 1890, il abandonne le cerne noir pour le bleu et travaille à partir de couleurs primaires, jouant sur la superposition des tons primaires pour obtenir toutes les variétés possibles de coloris (Bal du Moulin-Rouge, 1889 ; Folies Bergères La Loïe Fuller, 1893 ; Le Palais de Glace, 1894 ; et bien d’autres). Inventant certains mécanismes de la publicité moderne, il va systématiser l’utilisation de l’image de la femme fantasmée pour mettre en valeur le produit. Une même figure féminine va également être répétée année après année avec quelques variations pour la marque Saxoléine. Sa "Chérette", personnage central de la plupart de ses affiches, est toujours mignonne, joyeuse, élégante et représentée une attitude en mouvement renforcé par l’utilisation d’une couleur vive, souvent le jaune ou le rouge.

Dans ce travail d’affiche, les artistes vont également être d’importants acteurs. Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901) va ainsi réaliser une œuvre graphique considérable témoignant de la vie trépidante des cabarets parisiens de cette époque. Ses affiches utilisent toujours une certaine théâtralité, rendant compte de l’allégresse et des mouvements du spectacle. Le résultat est un travail vigoureux aux compositions audacieuses et aux couleurs éclatantes où les figures paraissent quasi esquissées. Inspiré, comme d’autres artistes de son époque (Pierre Bonnard, France-Champagne, 1891 ; Edouard Vuillard, Bécane Liqueur, 1891 ; …), par les techniques de l’estampe japonaise, les formes sont simplifiées et les couleurs traitées en larges zones d’aplats, rendant compte d’une force certaine et d’une grande modernité ( Moulin Rouge, 1891 ; Aristide Bruant, 1892 ; Jane Avril, 1893 ; Confetti, 1896 ; …).

Alphons Mucha (1860-1939) caractérise particulièrement l’esprit graphique de l’Art Nouveau. Ses dessins sont en effet emprunts de souplesse, de courbes qui donnent à l’image de la femme raffinement et élégance. Ses figures féminines sont sensuelles avec une chevelure qui se développe largement en lignes ondoyantes au milieu d’un décor exubérant composé d’éléments végétaux stylisés, d’arabesques et d’éléments ornementaux géométrisés (Les quatre saisons, 1896 ; Moët et Chandon, 1899 ; …). Dans un souci de décoration sans cesse amélioré, Mucha ira même pour son affiche Job, réalisée en 1898, à intégrer les initiales de la marque dans le fond et jusque dans les bijoux du personnage. Pour Gismonda, son modèle est habillée d’un costume chamarré d’or, d’argent et de bronze rappelant son inspiration byzantine. Le format allongé de cette affiche – 215x75cm – avec le texte regroupé en haut et en bas de la feuille vont également lui permettre de représenter la comédienne grandeur nature. En 1904, Mucha, pour vanter les mérites du journal Le Figaro, dessine une scène où trois jeunes femmes se présentent souriantes et quasi dénudées. Ici encore, un des grands affichistes du début du XXème siècle lie l’imaginaire publicitaire et le plaisir.

La contribution de Eugène Grasset à l’Art nouveau français va révolutionner l’édition. Influencé par l’art médiéval, l’estampe japonaise et l’œuvre des préraphaéliste, il va développer des compositions marquées par des couleurs franches cernées d’un épais trait noir et au style rigide. Pour le livre Les quatre fils Aymon, Grasset va aborder la mise en page de façon nouvelle en mettant en place une construction globale associant totalement illustration et motifs décoratifs. Pour cet ouvrage, il recourt à la nouvelle technique de photogravure en quadrichromie, la chromolithographie, rendant l’interaction entre l’image et la couleur plus facile qu’avec l’impression typographique.

L’affichiste George Auriol (1863-1938) va dessiner à la même époque son caractère éponyme. L’Auriol, développé par la fonderie Peignot à Paris, a un dessin calligraphique suggérant les traits d’une plume large. Hector Guimard s’en inspirera pour la signalisation du métro parisien et il est d’ailleurs toujours utilisé aujourd’hui lorsqu’il s’agit de suggérer une ambiance Art nouveau.

Ce style ampoulé des caractères va être largement utilisé à cette époque pour les titrages, la publicité et la presse populaire naissante. Ces typographies sont reconnaissables par leur dessin décoratif et organique : le Grasset crée par Eugène Grasset en 1898, le Copperplate Gothic dessiné par Frederic Goudy en 1901.

En France toujours, durant la première décennie du XXème siècle, Leonetto Cappiello va véritablement marquer l’affiche de l’époque en dessinant des visuels efficaces (Cachou Lajaunie, 1900 ; Chocolat Klaus, 1903 ; le Thermogène, 1909 ; le zèbre de Cinzano, 1910). Son style est affirmé, clair et dépouillé dans un but de lisibilité. Préoccupé par la transcription synthétique de l’idée, Cappielo met en place un système propre à frapper la rétine. Il fait preuve d’une bonne maîtrise de la mise en page et utilise largement des fonds unis sur lesquels se détache la figure centrale. Plus tard, en 1931, il va réaliser la célèbre affiche à tête de taureau pour les bouillons Kub.

Au milieu des années 1890, le mouvement qui s’est développé en France gagne progressivement le monde entier pour s’imposer sous l’étiquette d’Art nouveau en Belgique, de Jugendstil en Allemagne, de style Liberty en Italie, ou encore de Modernismo en Espagne … En ce qui concerne l’affiche d’art, un dénominateur commun les caractérise : jolies jeunes femmes, sensuelles et sensibles.

J. Chéret - Folies Bergère - Les Girard - 1877 {JPEG}J. Chéret - Orphée aux enfers - 1878 {JPEG}J. Chéret - Cosmydor Savon - 1891 {JPEG}J. Chéret - Le Bal du Moulin-Rouge - 1889 {JPEG}J. Chéret - Folies Bergères La Loïe Fuller, 1893 {JPEG}Jules Chéret - Le Palais de Glace, 1894 {JPEG}J. Chéret - Saxoléine - 1891 {JPEG}J. Chéret - Saxoléine - 1891 {JPEG}J. Chéret - Saxoléine - 1891 {JPEG}J. Chéret - Pub pour le papier à cigarette Job - 1895 {JPEG}Pierre Bernard - France-Champagne, 1891 {JPEG}Pierre Bonnard - Becane Liqueur, 1891 {JPEG}Estampe japonaise de Ukiyo-e {JPEG}Estampe japonaise de Ukiyo-e {JPEG}H. Toulouse-Lautrec - Moulin Rouge, 1891 {JPEG}H. Toulouse-Lautrec - Aristide Bruant, 1892 {JPEG}H. Toulouse-Lautrec - Jane Avril, 1893 {JPEG}H. Toulouse-Lautrec - Confetti, 1896 {JPEG}Alfons Mucha - Les quatre saisons, 1896 {JPEG}Alfons Mucha - Moët et Chandon, 1899 {JPEG}Alfons Mucha - Gismonda - 1894 {JPEG}Alfons Mucha - Nestlé, 1897 {JPEG}Alfons Mucha - Le Figaro, 1904 {JPEG}Eugène Grasset - Affiche pour un importateur de tapis orientaux, 1896-1900 {JPEG}Eugène Grasset - Affiche pour les fêtes de Paris, 1886 {JPEG}Eugène Grasset - Affiche lithographique pour l'encre Marquet, 1896-1900 {JPEG}Eugène Grasset - Les quatre fils Aymon, 1883 {JPEG}Eugène Grasset - Les quatre fils Aymon, 1883 {JPEG}Eugène Grasset - Les quatre fils Aymon, 1883 {JPEG}Typo Auriol, 1901 {JPEG}Signalétique du métropolitain, Hector Guimard {JPEG}G. Auriol - Le 1er livre des cachets, marques et monogrammes, 1901 {JPEG}Eugène Grasset - Typographie Grasset, 1898-99 {JPEG}Frederic Goudy - Typo Copperplate Gothic, 1901 {JPEG}Leonetto Cappiello - Cachou Lajaunie, 1900 {JPEG}Leonetto Cappiello - Chocolat Klaus, 1903 {JPEG}Leonetto Cappiello - Thermogène, 1909 {JPEG}Leonetto Cappiello - Cinzano, 1910 {JPEG}Leonetto Cappiello - Bouillon Kub, 1931 {JPEG}

La Grande-Bretagne

En Grande-Bretagne, l’affiche se développe à partir des années 1890.

Aubrey Beardsley, malgré une carrière très brève, compte parmi les figures les plus importantes du graphisme anglais de l’époque. Son travail est caractérisé par l’emploi de l’aplat, de contrastes très forts et une décoration simplifiée, contrebalancés par un graphisme délicat et des compositions insolites. L’audace des sujets développés par Beardsley (états d’âme, débauche, érotisme) vont provoquer sarcasme et scandale.

L’École de Glasgow de son côté, emmenée par Charles Rennie Mackintosh et nourri des exigences de l’Arts and Crafts va s’inscrire dans la tendance décorative et végétale de l’Art nouveau tout en s’appuyant sur une conception rationnelle en simplifiant et géométrisant les formes. Les productions de la Glasgow School of Art demeurent ainsi parmi les meilleurs exemples de l’Art nouveau rectiligne.

La Belgique

En Belgique, comme en Grande-Bretagne, le graphisme de la fin du XIXème siècle se construit autour de visuels de tendance Art nouveau associés à une géométrisation tendant parfois à l’abstraction.

Tout comme pour les productions de l’architecte Victor Horta signalant les débuts d’un design géométrique plus clair, l’œuvre graphique de Henry Van de Velde fait valoir un fonctionnalisme élégant en réduisant de façon substantielle l’ornementation et où s’allient structure et apparence (créations graphiques pour le produit alimentaire Tropon, v. 1898). Les formes naturelles, chez Henry van de Velde, sont réduites à de purs symboles, "l’ornement complète la forme" et l’élément décoratif devient fonctionnel.

Moins connu qu’Alfons Mucha, Privat-Livemont, (1861-1936) est une figure majeure de l’affiche Art nouveau belge. Ses allégories féminines ressemblent d’ailleurs aux célèbres affiches de Sarah Bernhardt dessinées par Mucha. Ses affiches publicitaires pour le cacao Van Houten, les chemins de fer de l’Ouest, le chocolat Delacre sont empreintes d’un style sensuel reprenant l’esthétique féminine et le même goût pour l’ornementation. Ses coloris sont plus vifs que ceux de Mucha et ses personnages sont souvent cernés d’un mince halo blanc qui les fait ressortir du fond (Absinthe Robette, 1896).

L’Allemagne

Un peu atypique en Allemagne, Thomas Theodore Heine (1867-1948), directeur artistique de Simplicismus, reprenant certaines caractéristiques de l’estampe japonaise, va développer des affiches fortes à l’aide de compositions simples, de visuels traités en aplats avec des figures aux contours bien marqués.

Toutefois, c’est le Jugenstijl qui va marquer de façon flagrante le graphisme allemand, contrastant avec l’Art nouveau français pictural, illustratif, parfois exubérant. Comme en Écosse et en Autriche, le Jugenstijl adopte des formes plus linéaires, géométrisantes et moins décorative.

Otto Eckmann (1865-1902) et Peter Behrens (1868-1940) vont, dans ce cadre, entreprendre une remise en question en profondeur de l’ornement en le transposant dans le registre de l’abstraction et de la structure. En 1900, le Rudhardschen Type Foundry produit la police de caractères Eckmann qui va représenter les idées nouvelles de l’époque en signalant aspect décoratif et ornemental assumé. La contribution de Peter Berens à la Jugenstijl s’illustre par ses alphabets développés pour la fonderie Klingspo, avec un graphisme plus fonctionnel (le Behrens, suivi par le Behrens italique, le Behrens romain et le Behrens médiéval en 1902). Commençant à travailler avec l’entreprise d’électricité AEG à partir de 1907, Behrens va en concevoir le logo en plaçant les éléments typographiques dans le dessin stylisé d’une turbine électrique. En développant ensuite tout un matériel publicitaire austère et géométrique, il va être le premier à proposer un graphisme élaboré au service d’une politique commerciale (logos, papier à lettres, emballages, dépliants, affiches, ...).

En Autriche, lors des prémisses de la Première Guerre mondiale, un groupe de designers et d’architectes fondera la Deutscher Werkbund qui succédera naturellement à la Jugenstijl.

L’Autriche

Né tardivement par rapport à ses homologues européens, le style Sécession, version autrichienne de l’Art nouveau, se cristallise autour d’une vingtaine d’artistes. L’objectif de cette association créée par Gustav Klimt est de « réformer la vie artistique » en refusant le conformisme des conceptions artistiques de l’époque et tout compromis avec l’art académique. C’est ainsi que ces artistes vont formuler un style juxtaposant naturalisme et stylisation en accord avec la vie moderne. Leurs œuvres vont se teinter de formes végétales synthétisées, une abondance d’éléments formels abstraits (souvent en courbe) et une absence de perspective.

L’aspiration à une unité dans l’art de ce mouvement artistique, va conduire les artistes sécessionnistes à exercer leurs talents dans de multiples directions, et plus particulièrement dans le domaine des arts appliqués et des arts décoratifs. C’est ainsi que naissent les Wiener Verkstätte (Ateliers viennois) sous l’impulsion de Koloman Moser (1868-1918) et Joseph Hoffmann (1870-1956), avec la volonté de réaliser des créations à la portée de tous en conciliant les beaux-arts aux arts mineurs. Outre le mobilier, l’aménagement intérieur, les objets en porcelaine et verrerie, les bijoux et les articles de mode, les acteurs du groupe vont se préoccuper de produire des images raffinées, fortement géométrisées, offrant une alternative à l’exubérance de l’Art Nouveau européen.

Les compositions visuelles des Verkstätte affirment les formats, délibérément carrés ou oblongs, et privilégient la géométrisation des formes, les motifs composés de carrés, cercles et damiers, les blancs qui permettent de laisser respirer les mises en page et les visuels bidimensionnels aux contrastes noir / blanc francs (différentes Affiches des expositions de la Sécession viennoise de Alfred Roller, 1901-03 ; Affiche de la XIIIe exposition de la Sécession viennoise de Koloman Moser, 1902). L’écriture devient également un élément favorisé qui va alors pleinement entrer dans la composition décorative de l’image.

Les objets produits dans les ateliers arborent des monogrammes, signes d’abréviation typographiques explorant le potentiel des lettres à représenter des individus. Le sigle d’identité des Wiener Verkstätte aux V et W imbriqués reste le plus connu. En ce qui concerne les textes composés, les lettres de la Sécession sont rationalisées à partir de formes géométriques angulaires et courbes, proposant ainsi un dessin de caractères global cohérent et unitaire, mais où la discrimination n’est pas suffisante pour une lecture aisée.

La revue Ver Sacrum (Printemps sacré) éditée de 1897 à 1903, joue un rôle très important dans la diffusion des idées de la Sécession. Koloman Moser, qui participe comme graphiste à l’élaboration de la mise en image de la revue sécessionniste, abandonne peu à peu les lignes sinueuses pour des motifs abstraits géométriques, qui vont devenir typiques des ambitions synthétiques de l’art graphique viennois. Ses productions tardives, ainsi que celles d’Alfred Roller, se caractérisent par une déclinaison de canevas géométriques simplifiés avec une prédilection appuyée pour le motif du carré. La lisibilité est sacrifiée au profit de l’impact et de l’originalité. Les recherches de compositions mettent l’accent sur l’unité, fondant harmonieusement lettres, images, et motifs. Dans un souci d’excellence et de qualité, le Werkstätte ne fit pas de commandes de fabrication à l’industrie. Aussi les productions les œuvres des sécessionnistes vont-elles rester les objets d’une élite aisée.

Les États-Unis

Aux États-Unis aussi, les affichistes vont se tourner vers la création européenne en découvrant les nouvelles qualités visuelles de l’affiche artistique de l’Art nouveau. Des créateurs européens vont d’ailleurs être contactés pour concevoir des affiches et des couvertures de magazine. Plusieurs graphistes américains, Edward Penfield, Will Bradley, Louis Rhead, vont cependant se détacher de cette influence à la toute fin du XIXème siècle.

Edward Penfield (1866-1925), très bon illustrateur, va se défaire de son style réaliste au profit d’un synthétisme plus efficace, basé sur l’aplat, le trait de contour et des couleurs chaudes. Dans ses compositions, il supprime les détails et l’arrière-plan pour renforcer l’impact d’ensemble et laisser une place importante au lettrage qui s’intègre alors à l’image (série d’affiches pour Harper, à partir de 1893 ; Cornell, 1908).

Will Bradley (1868-1962), plus inspiré par le style britannique, va proposer des compositions souvent asymétriques, contrastées et à la décoration aux lignes ondulantes. Parmi ses créations les plus importantes, on compte les affiches pour les Victor Bicycles mais aussi ses affiches conçues pour le Chap-Book, revue littéraire fondée à Chicago, accrocheuses dans le but de dynamiser les ventes (n° pour la Thanksgiving, 1898).

Louis Rhead (1857-1926). Anglais d’origine, il va émigrer aux États-Unis. Ses tableaux et aquarelles eurent un grand succès, ainsi que ses affiches. Il va concevoir des affiches pour les magazine Harper et Century Magazine et va illustrer de nombreux ouvrages destinés à la jeunesse. Dans son travail, il va développer un style linéaire.

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Les Avant-gardes (1910-40)

EN CONSTRUCTION)

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